Le 4ème groupe du RACM en campagne

Livret de 27 pages + 10 cartes. Format du livret : 20,5 cm X 29.5 cm. Achevé d'imprimer le premier octobre mil neuf cent quarante cinq sur les presses du "Bulletin d'Information de la Première Armée Française" à Constance.
TOUJOURS À BLOC

Le 4ème groupe
du Régiment
d'Artillerie
Coloniale du Maroc
en campagne

1943 - 1945

Le Refrain …
...du Groupe

Le 4ème Groupe est sur les routes
Sur les coteaux, dans les ravins
Et pour mettre l'ennemi en déroute
Nous serons sur tous les chemins
Nous traînerons nos grosses pétoires
Jusqu’à Rome, jusqu’ à Berlin
Et l’on dira, en nous versant à boire
Ya des bigors sur tous les  chemins !

SOMMAIRE

LA 10ème BATTERIE EN TUNISIE CITATION COLLECTIVE DE LA 10ème BATTERIE LA 12ème BATTERIE A L'ILE D'ELBE
L'AFRIQUE DU NORD LA CORSE EN ROUTE VERS LA FRANCE LA MONTÉE VERS LE NORD
LA BOUCLE DU DOUBS L'OFFENSIVE DU DOUBS LA TROUÉE DE DELLE
LA HAUTE ALSACE LA BATAILLE DES CITÉS LA GARDE AU RHIN
LE PALATINAT LE FRANCHISSEMENT DU RHIN LE GROUPE FRANCHIT LE RHIN
LA CONQUÊTE DU PAYS DE BADE DE KARLSRUHE A LA FRONTIÈRE SUISSE LES OPÉRATIONS DE NETTOYAGE - LA FIN
ORDRE DE BATAILLE DES OFFICIERS DU GROUPE LE TRIBUT DU GROUPE LE GROUPE A L'HONNEUR
NOMBRE DE COUPS TIRÉS QUELQUES ANECDOTES RETRAITE DU 17 FÉVRIER EN TUNISIE
SAINT-MAURICE ECHELOTTE VERMONDANS UN MOT HISTORIQUE LE PUITS THÉODORE HOMBOURG


TUNISIE — ILE D'ELBE — DOUBS

AUTANT DE NOMS QUE
TOUS LES OFFICIERS,
SOUS-OFFICIERS,
BRIGADIERS et CANONNIERS
DU 4ème R.A.C.M. GARDERONT GRAVÉS DANS
LEURS CŒURS. ILS JALONNENT LES CHEMINS
DU GROUPE......... 


ALSACE — RHIN ET DANUBE



UN PRÉCIEUX TÉMOIGNAGE ...
6 Mai 1945

...« C'EST UN NOUVEAU REMERCIEMENT À L'ADRESSE
DU IVème R.A.C.M. QUE NOUS
AVONS MIS À TOUTES LES
SAUCES ET QUI A RÉPONDU CHAQUE FOIS À NOS
APPELS ».

Le Colonel LANDOUZY,
Cdt le 23me R.I.C.
Signé : LANDOUZY.



Citation de la 10ème Batterie du R.A.C.M.

« à l'ordre de l'armée »

Splendide Unité qui, sous le commandement
du Capitaine GUITEL,
s'est fait partout remarquer par l'audace
et la rapidité de ses interventions
au combat - Le 28 Avril 1943, devant
Pont du Fachs, portée sur une position
très avancée pour appuyer l'Infanterie,
et prise à partie par un tir ennemi
ajusté, a continué à assurer sa mission
en dépit de pertes sensibles - A fait
l'admiration des fantassins par le courage, 
la conscience et le mépris du
danger dont son personnel a fait preuve.

CHAPITRE I
 
 
 
 
La 10ème Batterie en Tunisie
 
 
 

Le 3 Janvier 1943, ordre arrive au R.A.C.M. de transformer une de ses batteries de 155 court SCHNEIDER hippo en batterie portée, prête à faire mouvement pour le front de TUNISIE le 10 Janvier.

La 4ème batterie (Capitaine GUITEL) est désignée. En six jours elle va rendre ses chevaux, percevoir son matériel, compléter son personnel.

Élément de R.G.A., elle changera sept fois de Division en quatre mois, ballottée au gré des opérations offensives pour lesquelles chacun s'arrachera son appui.

Du 10 au 20 Janvier, partie par fer, partie par la route, elle va de CASABLANCA à HADJEB-EL-AIOUN. Voyage invraisemblable où nos pauvres camions poussifs commencent le long calvaire qui les mènera au cimetière des voitures.

Affectée à la Brigade Légère Mécanique, elle met en position dans la nuit du 21 au 22 à 8 km. de PICHON. Dès le premier jour, puis le 25, son observatoire subit un tir de 77.
La batterie sera contrebattue trois fois, perdant un mort : le canonnier BAKHARY SARR et deux blessés : les canonniers ROUSSEL et FAYA TOLNO.

Diverses positions nomades sont occupées dans la région jusqu'au 17 Février. Le front, c'est alors surtout la ligne des essieux! Le groupement d'action d'ensemble se compose d'une batterie à trois pièces de 75 modèle 97 — trois pièces de 105 court U.S. — trois pièces de 155 court SCHNEIDER.

Dans la nuit du 17 au 18, par suite de violentes actions ennemies dans la région de SBEITLA toutes les troupes du secteur se replient sur SBIBA. La retraite nous coûte neuf disparus.

La batterie est alors affectée à la 34ème Division U.S. (Région de SBIBA et ROHIA) où elle subit de violents tirs de contre-batterie. (Un blessé très grave : le canonnier MARTZ.)

Le 22 Février, rattachés à la Division de Marche d'ALGER, en appui du 2ème Groupement de TABORS Marocains, nous rejoignons les troupes françaises dans le secteur de MAKTAR. Une première tentative de mise en batterie nous laisse quatre jours enlisés dans une boue incompatible avec notre vieux matériel, et le 6 Mars nous réussissons enfin à prendre position à la clairière de HARIG BELLOUNE (Forêt de KESSERA).

Le 1er Avril, à la Division de Marche de CONSTANTINE, la batterie appuie l'attaque de PICHON, puis le flanquement Nord de cette attaque (Région de HENNCHIR EL AICHA).
Le 5 Avril nous passons au secteur d'OUSSELTIA (D.M.A.) où nous sommes par deux fois violemment pris à partie par l'artillerie ennemie (150).
 
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Le 13 Avril, passant à la division de marche du MAROC, nous mettons en batterie sur l'Oued DRIDJ (Région du MAUSOLEE) jusqu'au 18.

Notre matériel auto est réduit de 60 %, nous percevons quatre G.M.C., quatre tracteurs SOMUA, et les roues en bois de nos pièces sont remplacées par des roues à pneus.

Le 20 Avril, mise en position à 10 km., au sud du Djebel MANSOUR. Nous appuyons le 21, l'attaque de 746 et le 25 l'attaque du MANSOUR et de l'ALLILIGA, et subissons quelques tirs de 77.

Nos bons journalistes toujours en avant de la main, en avaient annoncé la prise dès le 17 !

Le 27, mis à la disposition du Colonel LEBON, commandant l'appui du 2ème R.T.A., nous mettons en batterie vers 15 h. à EI HAOUITA (Gué de l'Oued KEBIR, 8 km. sud de PONT-DU-FAHS), dans les avants postes du 3ème R.E.I.

Les accès et la position sont violemment marmités (88 et 150).

Le 28, vers 16 h., la batterie est à nouveau très violemment bombardée, puis au cours d'un tir vers 17 h., le service des pièces continue jusqu'au moment où brûlent les gargousses de la 1ère pièce et sautent toutes les munitions d'armes portatives. La tenue magnifique de la batterie sous le feu a soulevé l'enthousiasme des Légionnaires, mais l'affaire nous a coûté deux morts : le Brigadier-Chef MAZI et le canonnier CHAZALLY et huit blessés : les canonniers LALLEMAND, DUBREUIL, TAVARDON, BAKHARY SARR, ZIZANI LEICKOUM, GUIGNAN DIONE, KOUNOUMWRE MILOGO, l'Aspirant WOIRHAYE.

Le 30, nous passons à la D.M.A. ; au cours du déplacement vers le DJEBEL FKIRINE et HENNCHIR EL SOUAR un bombardement nous coûte trois blessés, les canonniers : NIVARD, BEGE BADIENE, ANSO SONKO. Du 1er au 13 Mai, face au Djebel ZAGHOUAN, nous appuyons toutes les affaires qui se déroulent au sud du massif, et le 13 Mai à 7 h.,
tirant le 3.119ème coup de la campagne, nous apprenons la reddition des dernières troupes ennemies, et la floraison de nombreux drapeaux blancs sur 413 que nous avons bombardé toute la nuit.

Du 22 Mai au 6 Juin, nous rentrons à CASABLANCA en treize étapes joyeuses.

Outre onze citations individuelles, la batterie a eu la récompense d'une très belle citation à l'Ordre de l'Armée, et son fanion portera fièrement la CROIX DE GUERRE avec palme.

A la date du 1er Juillet 1943, le Régiment d'Artillerie Coloniale du Maroc devient l'Artillerie divisionnaire de la 9ème D.I.C. Le 2ème Groupe du R. A. C. M. se transforme en 4ème Groupe. Les 4ème, 5ème et 6ème Batteries deviennent respectivement 10ème, 11ème et 12ème Batteries. En souvenir de son long passé hippo, le fanion du Groupe continuera à porter la queue de cheval.
 
 
 
 
 
 
 
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CHAPITRE II
 
 
 
 
 
La 12me Batterie du 4me R.A.C.M. à l'île d'ELBE
 
(17 ─ 27 JUIN 1944)
 
 

DÈS l'arrivée en CORSE du 4ème Groupe, le 2 Mai 1944, la 12e Batterie fut désignée  pour participer à une opération amphibie où une bonne partie de la Division devait  être engagée. Pour des raisons de sécurité, il ne devait être question que d'une manœuvre au cours de la phase préparatoire.

Du 2 au 18 Mai, la batterie fut soumise à un entraînement particulier : embarquement sur L.S.T., débarquement sur la plage, waterproofing, écoles à feu, etc...

Le 18 Mai, la batterie sous les ordres du Chef d'Escadron, Commandant le 1er R.A.C.M. quitte « l'Aréa » de MEZZAVIA pour PORTO-VECCHIO. Itinéraire : AJACCIO — SARTENE — BONIFACCIO.

L'opération semble imminente. Tous les groupes devant y participer sont rassemblés sur les «AREAS» d'embarquement.

Cependant au bout de quatre jours, on augmente la dispersion des bivouacs. — Fin Mai, la batterie toujours avec le 1er Groupe s'installe aux alentours de SOTTA.

Elle y séjourne près de trois semaines prête à lever le camp dans les moindres délais.

Le 13 et le 14 Juin, le matériel est dirigé sur les AREAS d'embarquement où il est  « waterproofé » puis embarqué.

Le 15, le personnel est embarqué à son tour.

Le départ de PORTO-VECCHIO a lieu le 16, à 17 heures.

L'équipe du Capitaine débarque à 2 km. à l'Est de MARINA DI CAMPO. Les bagages et les vivres sont abandonnés à la garde d'un canonnier du 1er Groupe. Ne sont conservés que le 609, le G. B., un lot 39 et les sacoches.

La matinée a passé en allées et venues sur la falaise sous un bombardement intermittent.

À midi, le Capitaine part en reconnaissance pour rechercher une position aux lisières Est du PILA. Avant le départ, il a fixé ce village au Lieutenant de tir comme « point à ne pas dépasser ». Le G. B. est décliné.

À 17 heures, la batterie se présente devant le PILA. Après une reconnaissance rapide, elle est mise en position à 2 km à l'Est du village.

Le Lieutenant observateur est parti reconnaître l'observatoire de la cote 228.

 
 
 
 
 
 
 
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3
La batterie est mise en surveillance, non sur ENFOLA comme il était prévu, mais sur PORTO-FERRAJO. Toutefois une pièce au moins doit pouvoir tirer sur ENFOLA.

A 20 heures, la batterie est prête. Le Poste 609 transporté à grand peine depuis le matin par l'équipe du Capitaine, ne fonctionne pas. la liaison par fil est assurée à 20 h. 30. L'autorisation sollicitée d'accrocher sur ENFOLA n'est pas accordée.
                                    
A 22 h., le Capitaine reçoit à l'observatoire l'ordre d'exécuter un tir de harcèlement de 40 coups sur PORTO-FERRAJO jusqu'à 4 heures du matin. La batterie ouvre le feu à 22 h. 30.

Trois postes de T.S.F. sur quatre sont en panne. Le Capitaine redescendu à la batterie essaye de résoudre le problème des liaisons. Il faudra toute la nuit pour réaligner les postes.

Le 19 à 7 h. le capitaine reçoit l'ordre au col de SAN MARTINO de rechercher une position de batterie dans la région de la VILLA NAPOLEON permettant de tirer de PORTO LANGONE au Sud à RIO MARINA au Nord, sur toute la côte Est de l'île.

La batterie est prête à tirer a 10 h. 30. Les Postes fonctionnent.
                        
A 15 h. le Lieutenant Officier de liaison apporte l'ordre pour la batterie de rechercher une position dans la région MOGGADZIN-MOLINACCIO avec la même mission que précédemment. La mise en batterie terminée vers 16 h. 30. le capitaine part rendre compte au Groupement à RIO MARINA. Il rejoint le Groupement à RIO-MARINA. Il y apprend que l'opération étant virtuellement terminée, les hommes peuvent être installés au cantonnement-bivouac.

Le 20, 21 et 22 sont jours de repos — La batterie doit pouvoir tirer sur les principales plages de l'ÏLE en cas d'un contre-débarquement d'ailleurs bien improbable.

Le 21, une prise d'armes a lieu à PORTO LANGONE à laquelle une section de la batterie participe.

Le 22 après reconnaissance sur la côte EST, le capitaine reçoit l'ordre de mettre la batterie en position pour être en mesure de tirer sur la côte Italienne dans la région de PIOMBINO dans la journée du 23.

La batterie réduite aux pièces de tir, aux voitures de commandement et à une camionnette est dirigée le 24 au matin sur la PARATA.

La traversée du village de RIO DE ELBA présente de sérieuses difficultés à cause des ruelles tortueuses, étroites et à forte déclivité. Par contre la position reconnue la veille est excellente. L'observatoire, au MONTE SERRO, à la côte 422, donne de très bonnes vues.

Le tir débute à 14 h. en présence du Colonel Commandant l’AD/9. Mené avec vigueur, les résultats obtenus semblent bons. Malheureusement au 130ème coup la culasse de la 4ème Pièce, mal fermée à la suite du mauvais fonctionnement d'une sécurité, est arrachée. Il y un tué sur le coup, le canonnier GIRAUDI Walter, cinq blessés : le Maréchal des Logis MISTO Bernard, les canonniers HOKETE Laye, TIASSANTE Dioutbel, AMATH Diouf et KARAMON Hema ; ce dernier, trés grièvement atteint, mourra le surlendemain.

Les 24, 25 et 26 JUIN constituent une période de détente totale.

Le 26 au soir, la batterie reçoit l'ordre d'être à 10 h. 00 à MARINA DI CAMPO pour y être embarquée.

Le personnel est embarqué sur L.S.T. 494 à 13 h. 00.

Les véhicules avec 2 hommes chacun sous les ordres du Lieutenant de tir restent à M
ARINA DI CAMPO.

Le personnel débarqué à BASTIA à 17 h., défile dans la ville avec les troupes des autres formations, arrivées en même temps. L'accueil de la population est chaleureux.

La 12ème Batterie rejoint le Groupe à PONTE LECCIA le 27 JUIN au matin.

La victoire de l’ILE D'ELBE donne à chacun le désir de victoires plus grandes encore, plus définitives, sur le sol de FRANCE.
 
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L'Afrique du Nord — la Corse
 
 
          Après une longue période d'entraînement qui lui a permis de se familiariser avec le matériel américain, parfaitement équipé, le Groupe quitte l'Afrique du Nord pour la CORSE ou il se regroupe le 2 Mai 1944 dans la région d'AJACCIO. L'impatience s'accroît d'entrer dans la lutte. Mais il va falloir encore patienter près de 4 mois avant que sonne l'heure tant attendue du débarquement sur les côtes de FRANCE. C'est pendant ce séjour en CORSE que le 15 JUIN la 12ème batterie quitte le Groupe pour aller participer à la prise de l'ILE D'ELBE.

















 
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CHAPITRE III
 
 
 
 
En route vers la France - La montée vers le Nord
 
 
 
 
ENFIN le 30 AOUT nous embarquons à 17 h. 00 sur les L.S.T. N° 494 et 603, le 31 au matin nous foulons le sol métropolitain à Saint TROPEZ, mais les combats sont finis sur la côte. Encore 4 jours interminables et le 5 Septembre nous partons vers le Nord.

Cette fois-ci c'est la poursuite, nous allons trouver l'ennemi. Las ! le groupe s'arrête à Saint Geoire en Valdaine le 6 Septembre. Toute la Division se regroupe dans la
région. Et pendant 10 jours nous cantonnons là, bloqués, faute d'essence.

Le 17, pourtant nous recevons l'ordre de faire mouvement et le 18 nous sommes en ligne dans le DOUBS, au pied du LOMONT.
 
 
 
La boucle du Doubs
(18 SEPTEMBRE — 14 NOVEMBRE)
 

Pendant près de deux mois la division va être en situation défensive. Le Groupe tire ses premiers coups de canon en FRANCE le 19 Septembre sur Saint Maurice ECHELOTTE, nous sommes alors en batterie à VIT LES BELVOIR puis à DAMBELIN, VIT LES BELVOIR à nouveau, et enfin SOL EMONT où nous resterons 45 jours. Le temps est long, le travail est ingrat, les cantonnements inconfortables. La pluie d'abord, la boue,
puis en Octobre la neige, autant de désagréments qui rendent encore moins supportable cette période de stagnation. Certes il y a bien de temps à autre quelque distraction qui vient rompre la monotonie des jours : c'est la participation du Groupe à l'attaque de Saint Maurice ECHELOTTE les 23 et 24 Septembre, c'est la destruction de quelques points d'appui allemand à VERMONDANS le 18 Octobre.

Mais c'est insuffisant pour secouer l'ennui qui s'empare de tous. Réglages quotidiens, harcèlements de nuit, poursuite et amélioration de l'instruction, c'est le travail de chaque jour.

L'observatoire du Groupe perché sur la crête du LOMONT, au sommet d'une falaise abrupte, donne des vues admirables sur la vallée du DOUBS. Son aménagement est poursuivi inlassablement, des abris sont creusés dans le roc. En quelques jours une piste est tracée en plein bois au prix de nombreuses difficultés, elle permet aux voitures de se rendre jusqu'à quelques mètres de l'observatoire sans être vues de l'ennemi.
 
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Au fur et à mesure que les jours passent, le paysage nous devient plus familier, les moindres détails du terrain nous sont connus, mais l'ennemi est prudent il est rare qu'il se montre. S'il le fait il n'échappe pas à la vigilance de nos observatoires et reçoit des coups de semonce.

C'est pendant cette période que le Groupe comme toutes les autres Unités de la Division va se « Blanchir ». Les rigueurs de l'hiver proche nous interdisent de conserver nos braves sénégalais et c'est à regret que nous les voyons partir, ils sont remplacés par de jeunes engagés de FRANCE peu ou pas instruits, mais pleins d'ardeur et de bonne volonté, qui deviendront vite des canonniers confirmés. Le 31 Octobre, nos derniers Sénégalais sont partis.

Mais voici que le 11 Novembre commence autour de nous une agitation insolite. Des groupes d'Artillerie lourde longue prennent position, des chars apparaissent, des bruits courent ... les visages s'éclairent : Il ne fait plus de doute pour personne que l'Offensive tant attendue est imminente.

 
 

L'offensive du Doubs
(14-18 NOVEMBRE 1944)
 
Une neige épaisse recouvre le sol. Les ordres d'attaque sont donnés pour le 13 Novembre. Au dernier moment, contre-ordre. L'attaque est remise au lendemain. Elle commence par la gauche. Le 6ème R.I.C. doit s'emparer d'ECOT. En ce premier jour d'attaque le Groupe tire 1154 coups. Le 15 l'attaque se poursuit par la droite, il s'agit d'enlever le plateau d'ECURCEY. Le Groupe dans la nuit a changé de surveillance et participe au plan de feux, dans la journée 1192 coups tirés.

La Division a ouvert le chemin, les blindés vont foncer. Leur intervention est prévue le 17 au matin, le Groupe qui se déplace se trouve à PIERREFONTAINE. Il est mis à la disposition du Combat Command N° 3 de la 1ère D.B. Nos blindés au début ne progressent qu'assez lentement. Vers 16 h. 00 la radio apprend à notre détachement de liaison auprès des blindés qu'une batterie ennemie gêne le débouché de nos chars au sud de VAUDONCOURT. Elle est prise à partie, et se tait. Les chars passent. A partir du 18 leur meute est découplée, 2 jours après ils seront sur le RHIN. Mais il reste du travail à faire derrière eux. Il faut élargir l'étroit couloir qui les relie à nous, il faut nettoyer toute la région de la trouée de DELLE. Le Groupe pendant 10 jours va participer à cette tâche essentielle.
 
 

 
La trouée de Delle
(18 AU 28 NOVEMBRE 1944)

De PIERREFONTAINE à SELONCOURT où nous arrivons sur les talons des boches, de SELONCOURT à FECHE L'EGLISE, le Groupe circule par des itinéraires encombrés, met en batterie, tire, repart. En 5 jours il a tiré un millier de coups. Le 25 nous voici à FAVEROIS en mesure de tirer sur la coupure de la SUARCINE, derrière laquelle un ennemi encore agressif s'est retranché. Le village est harcelé, par 88 et 150. L'Alsace est là toute proche ! La région est semée d'étangs et de bois, nous martelons les bois, les routes. En trois jours plus de 2.000 coups sont tirés. Nous saurons par la suite que les pertes ennemies ont été très fortes du fait de l'Artillerie, en particulier dans les bois d'OBERWALD.

 
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La Haute Alsace
(28 NOVEMBRE AU 19 JANVIER 1945)

Le 28 Novembre est un beau jour. Nous entrons en ALSACE, les drapeaux flottent à toutes les fenêtres des pimpantes maisons alsaciennes, au long des rues dans tous les villages traversés, la population est là, rayonnante, et qui nous acclame.

Nous mettons en batterie à MICHELBACH-LE-BAS. Le 29 nous apprenons que le Groupe est mis à la disposition du 6ème R.I.C. pour l'opération prévue sur VILLAGE-NEUF et HUNINGUE. Il s'agit d'arriver au RHIN.

À 6 h. 30 le 30 notre préparation est déclenchée. A 14 h. 00 le village est nettoyé mais l'affaire a été chaude. Le Groupe a tiré 1.200 coups. Les réactions de l'ennemi sont violentes. VILLAGE-NEUF et ses accès sont battus par des 88 et par mortiers.

Observateurs, agents de liaison, téléphonistes passent entre les coups.

L'attaque de HUNINGUE est prévue pour le lendemain. Toute la nuit nous tirons sur la ville. La préparation doit partir à 9 heures. A 8 h. 55 l'Officier de liaison auprès du Colonel Commandant le 6ème R.I.C. reçoit l'ordre d'arrêter le déclenchement des tirs, certaines informations permettant de penser que les Allemands ont évacué HUNINGUE.

Le Lieutenant-Colonel DESSERT qui commande l'opération décide d'aller se rendre compte par lui même. Une demi douzaine de voitures partent de VILLAGE-NEUF sur HUNINGUE. Rien ! Une ville morte ! Des plâtras, des débris de vitres, des tuiles jonchent les rues. A l'Ecole ou étaient cantonnés les Allemands, une foule d'indices décèlent un départ précipité : quarts à demi pleins de café, viande fraîche prête pour le repas de midi, sur la table de la cuisine. Ils sont bien partis !

Le 1er Décembre au soir le Groupe reçoit l'ordre de se déployer à RIXHEIM pour fournir l'appui de ses feux aux Unités qui sont dans la HARDT. L'Artillerie ennemie est active dans le secteur. Le 2 Décembre la position de la 1 le Batterie est harcelée, le Canonnier BRANDY de la 11ème Batterie est tué par éclat d'obus à 15 h. 00.

Les harcèlements ennemis reprennent le lendemain sur les 11ème et 12ème Batteries. Entre 8 et 9 heures ils nous coûtent 1 tué : Canonnier MAGRON de la 11ème Batterie, 3 blessés Canonniers : FONTAINE et PARISOT de la 12ème Batterie, HAMELIN de la 11ème Batterie. Nous ripostons entre 10 h. et 15 h. en prenant à partie une batterie ennemie.

Les tirs ennemis reprennent à 15 h. 00, nos pertes sont sensibles : L'Aspirant DUMORTIER de la 12ème Batterie est tué. L'Aspirant PERRIER, le Maréchal des Logis Major BRUNO et le Canonnier JACQUOT, tous de la 12ème Batterie, sont blessés.

Le 4 Décembre le Groupe fait mouvement sur LANDSER. Il est rattaché à un Groupement d'appui direct chargé d'appuyer le 23ème R.I.C. dans son action sur NIFFER, prévue pour le lendemain.

Il faut réduire des têtes de pont que possèdent encore les Allemands à notre hauteur sur la rive gauche du RHIN. Cette journée nous coûte encore cher. L'Artillerie ennemie bombarde LANDSER vers 17 h. Nous perdons le Canonnier FONTAINE de l'Etat-Major (Tué) il y a sept blessés : Adjudant SARL ANGUE, les canonniers LEROUX, et SERRE de la C.R., le Brigadier Chef ROCHE, les Canonniers GRONDIN, NICOLIER et BOUCHATON de l'Etat-Major.

Le 10 Décembre, le Groupe formant Groupement avec le IIIème R.A.C.M. va tirer 1.150 coups à l'appui du 6ème R.I.C. qui a reçu mission de réduire la tête de pont allemande de LOECHLE. La Journée est un succès complet, les prisonniers défilent sans cesse au P.C. du Régiment ; interrogés, ils déclarent que la puissance et la précision de la préparation d'Artillerie leur a interdit de se porter à leurs emplacements de combat. Ce témoignage diffusé au groupe procure à tous une légitime satisfaction.


 
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Le temps passe, le Groupe occupe différentes positions à SPECHBACH LE HAUT, à HOCHSTATT, il participe à certaines opérations de caractère local : couvent d'OELENBERG, REININGUE, où, à la suite d'un tir de nuit demandé par le 23ème R.I.C., le 22 Décembre, de très fortes explosions se font entendre, un immense incendie s'allume. Durant cette période 4 canonniers sont tués par les mines dont la région est infestée ; ce sont les canonniers : DARAN, COMPTE, REMY, QUEVILLERS de la 11ème Batterie.

Le 2 Janvier, nous sommes à FLAXLANDEN en situation défensive. Réglages, harcèlements, contre-batteries, sont nos tâches quotidiennes. De la neige, beaucoup de neige, il fait très froid ! Les jours passent ... lentement ! quand tout à coup, alors que rien ne le faisait prévoir, le Groupe reçoit le 19 Janvier les ordres d'attaque pour le lendemain.



« La Bataille des Cités »

Depuis le mois de Décembre la DOLLER et l'ILL marquent au Nord de MULHOUSE la ligne de feu. C'est de là que va partir le 20 Janvier l'attaque qui se propose de nettoyer toute la poche de COLMAR. La zone de la Division comprend les nombreuses Cités ouvrières des mines de potasse, au Nord de MULHOUSE. Ou comprend de quel appui pourront être nos obus dans cette suite continue de villages dont chaque maison peut cacher une résistance. Il va falloir écraser les points d'appui ennemis, obliger les défenseurs à se terrer jusqu'au moment où nos fantassins seront sur eux. Le Groupe, en action d'ensemble, reçoit ses plans de feux de l'A.D. ... Le 20 Janvier à 7 h. 15 se déclenchent les tirs de préparation d'attaque suivis des tirs de protection. Pendant une heure, au jour naissant, la neige s'illumine de la lueur des départs. L'attaque est lancée, la partie s'avère dure. Toute la journée nous tirons sur ordre de l'A.D. Au soir LUTTERBACH, PFASTATT, BOURTZWILLER sont pris. Nous avons débité un millier de coups dans la journée. Nos tirs le 21 se porteront au delà de ces villages ; la progression continue. Nous allons être à bout de portée. Dans l'après-midi nous nous déplaçons jusque dans la région des Faubourgs sud de MULHOUSE d'où nous harcèlerons toute la nuit les communications ennemies. Les réactions de l'artillerie ennemie se font violentes et le Groupe intervient en contre-batterie.

L'allemand résiste d'ailleurs à outrance : les renseignements que nous recevons du Piper-Club, de nos observateurs, la nature des tirs qu'on nous demande, tout le prouve, le Groupe qui est en action d'ensemble doit dans la journée du 23 changer plusieurs fois de surveillance pour couvrir tout le front de la Division.. Mais qui songerait à bouder au travail, nos fantassins en font bien d'autres ; nous savons qu'ils ont confiance en nous, cette confiance il ne faut pas la décevoir. Le 24, c'est la Cité AMELIE que nous prenons à partie. Décidément les Allemands s'accrochent et ils ont des moyens. Ce même soir, ils lancent sur MEYERSHOF une contre-attaque avec les éléments d'une brigade blindée, sans résultats !

Nos positions sont survolées par 2 Messerschmitts, une distraction !

Le 25 à 6 h. 40 le Groupe participe à l'attaque de Cité ANNA qui est prise dans la journée.

Le 26 nous prenons à partie une batterie de D.C.A. ennemie sur laquelle règle le Piper. Le 27, nous allons prendre position au Nord de MULHOUSE sur la ligne d'où est partie l'attaque, une semaine plus tôt ; la progression, on le voit, est lente mais continue. Pendant une semaine, nous allons de cette position harceler l'ennemi de jour et de nuit, contrebattre son artillerie, prendre à partie tous les rassemblements qu'observe l'avion.

Et les Cités s'ajoutent aux Cités, les puits aux puits, les crassiers se succèdent —

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Puits et crassiers sont les endroits de prédilection des observateurs, leur recherche est parfois dangereuse, comme en témoigne l'anecdote relatée plus loin.

Enfin le 4 le Groupe va s'installer à la Cité Sainte BARBE prise de la veille ; l'itinéraire que nous suivons est jalonné de cadavres, de voitures brûlées, de chars calcinés, de ruines, autant de preuves de l'acharnement des combats, et la résistance de l'ennemi ne faiblit pas. Des 88 tombent sur la Cité Sainte BARBE à notre arrivée sans nous causer aucune perte. Une batterie s'installe dans les bois du JUNGHOLZ, pleins de cadavres allemands. Ce même soir PULVERSHEIM, sur lequel nous avons maintes fois tiré, est pris.

Les chars vont aller vite maintenant. La 1ère D.B. et la 2ème D.I.M. poussent résolument vers le Nord, pendant que la Division va faire un à droite complet. ENSISHEIM tombe le 7 Février. Il faut traverser l'ILL et arriver le plus vite possible au RHIN. 
Le 8 nous sommes à BATTENHEIM d'où nous harcelons BANTZENHEIM et CHALAMPE où reflue l'ennemi pressé de toutes parts. Et le 9, la HAUTE ALSACE est débarrassée de l'ennemi.

Le 10 MULHOUSE en liesse revêt ses plus beaux costumes. MULHOUSE est vraiment libérée.


La Garde au Rhin


Pendant 50 jours face au RHIN, nous allons bénéficier d'une période de semi-repos mise à profit pour réviser le matériel, et se préparer à l'ultime bataille, la Bataille d'Allemagne.

À HAUTEUR DE MULHOUSE : Nos pièces, en lisière de la HARDT, près de HABSHEIM, vont saluer à leur manière la victoire de HAUTE ALSACE, les munitions sont abondantes, nous avons l'autorisation d'en consommer. Les villages d'en face vont payer les ruines que la résistance de l'ennemi nous a contraints à faire sur notre sol. Pour tromper la vigilance adverse, chaque jour, une section nomade va exécuter ses tirs d'un endroit différent de la forêt. Le clocher de HOMBOURG est un magnifique observatoire, mais l'ennemi le sait et le 14 Février le clocher subit un bombardement sévère de 150, sans que nos observateurs subissent la moindre perte. En même temps et sans plus de résultats les sections nomades se font encadrer.

DANS LA RÉGION DE STRASBOURG : Le 16 Février le Groupe fait mouvement vers STRASBOURG où se regroupe toute la Division. Nous prenons position autour d'ERSTEIN, jolie petite sous-préfecture, où la population nous fait fête. Chacun a pour nous des attentions touchantes, pas un habitant qui ne cherche à nous être agréable, et on sent bien qu'il ne s'agit pas là d'une attitude de commande mais d'une explosion spontanée. Journées fécondes où l'ARMÉE Française retrouve l'ALSACE Française, où soldats et Alsaciens communient dans la même joie patriotique, Nous avons vécu là des moments inoubliables.

L'ennemi est peu actif, nous lui rappelons de temps à autre notre présence en prenant à partie des casemates, des observatoires, des péniches amarrées le long de la rive allemande.

Le 14 Mars nous partons pour mettre en batterie au Nord de STRASBOURG. Le groupe est largement étalé sur le terrain et les harcèlements quotidiens se font un peu plus fréquents sans que l'agitation soit encore bien fiévreuse.

Après les joyeuses réceptions d'ERSTEIN, après les paisibles journées d'HOENHEIM, les canonniers ont la bougeotte. Et maintenant que va-t-on faire de nous ? Depuis le 15 Mars l'attaque a été déclenchée au Nord de l'ALSACE : mais la Division n'est pas dans le coup.

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CHAPITRE IV


La Campagne d'Allemagne


Le Palatinat
LE FRANCHISSEMENT DU RHIN DE VIVE FORCE


Le 27 MARS une grande nouvelle ! le Groupe est choisi pour appuyer la 3ème D.I.A. Précédant les autres éléments de la Division, il aura le grand honneur d'être la première unité de la division à franchir la frontière allemande à SCHEIBENHARDT le 29 MARS. Sur le SCHEIBENHARDT Français meurtri flotte joyeusement notre Pavillon.

Dans le village allemand, de l'autre côté de la LAUTER, cette rivière célèbre qu'on s'étonne de trouver si maigre, règne un silence de mort : pas un habitant. Les canonniers errent dans le premier village ennemi un peu émus. Mais chacun a hâte de s'enfoncer plus profond en Allemagne. Le 30 nous roulons à travers le PALATINAT. Nous dépassons KANDEL, BERGZABERN, au soir les batteries sont en position à HOLZMUHLE à la lisière de la forêt qui borde le RHIN. Le Groupe, incorporé au Groupement THIEBAULT de l'A.L.C.A. va appuyer de ses feux le franchissement du RHIN à GERMERSHEIM.

Le 31 à 7 h. le Groupe déclenche un violent tir de préparation sur la rive droite. L'opération s'avère difficile ! Vive réaction ennemie.

En cours de matinée on nous demande un tir de contre-batterie ; les canons ennemis se taisent. A 12 h. notre observateur nous annonce que le RHIN est franchi et que nos troupes progressent sur l'autre rive. Dans combien de temps allons nous les suivre ? Mais il faut calmer les impatients. On nous réserve pour une autre tâche.

D'autres éléments de la Division ont quitté l'ALSACE. Aussi nous quittons l'A.L.C.A. pour reprendre notre place au sein de la 9ème D.I.C., qui, elle aussi, va faire sa tête de pont. C'est au 21ème R.I.C. que va échoir ce périlleux honneur.

À LEMERSHEIM, les fantassins se préparent à l'attaque.

À NEUPFOLZ l'Artillerie (1er et 4ème R.A.C.M.) est en position. L'heure H. est fixée à 7 h. le 2 Avril. Mais à 7 h. les bateaux ne sont pas prêts. On retarde l'opération — Enfin à 11 h. tout est paré. Les bateaux sont soigneusement camouflés dans une crique du RHIN. Le Lieutenant observateur du Groupe va prendre son poste dans un blockhaus de la rive gauche.

Heure H : 11 h. 30 — Dès 11 h. 20 les 155 ouvrent le feu. Une violente préparation d'Artillerie va ouvrir la route aux fantassins. Les tirs bien ajustés arrosent les blockhaus de la rive droite, un blockhaus est touché en plein. Les fumigènes aveuglent l'ennemi et à 11 h. 31 les bateaux quittent la crique, ils entrent dans le RHIN. Les blockhaus occupés essaient de réagir mais le tir violent des 12 m/m 7 les réduit au silence.

Vers 11 h. 55 l'artillerie ennemie entre en action. Des coups de 150 tombent dans le RHIN et arrosent les bois mais c'est en vain. A 12 h. 5 la ligne de blockhaus est tournée et prise.

La 9ème D.I.C. a franchi le Rhin.
 
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13
Le Groupe franchit le Rhin


Nous sommes le 3 Avril, depuis le 31 MARS le Groupe appuie de la rive gauche du RHIN nos éléments qui l'ont franchi et qui descendent sur KARLSRUHE. Nous tirons dans d'excellentes conditions par dessus le Fleuve de positions successives toujours plus au sud. Allons-nous continuer ce petit jeu longtemps ? rentrer en FRANCE ? remonter le RHIN jusqu'à BALE ? l'impatience est grande chez tous de passer de l'autre côté. Enfin le 5 à Midi par radio le Groupe recoit l'ordre d'aller se déployer dans la région de KARLSRUHE. Il se scinde en deux colonnes, la colonne légère passe le Pont de SPIRE, la colonne lourde remonte jusqu'à MANNHEIM, le 5 au soir le Groupe est en batterie près de KARLSRUHE. Le RHIN est franchi !


La conquête du pays de Bade 
de Karlsruhe à la frontière Suisse


Alors commence une période étonnante où en 19 jours le Groupe va occuper 16 positions. Notre Groupe lourd va se comporter en vrai Groupe de volants. Manoeuvrant comme un piston entre RHIN et la FORET NOIRE, les éléments de la 9ème D.I.C. avec lesquels nous travaillons vont refouler le boche vers le SUD et le 24 JUIN nous atteindrons à LORRACH la frontière SUISSE. Mais à chaque débouché de vallée dans la plaine, il faudra liquider les résistances qui verrouillent les vallées et qui, si elles étaient négligées, constitueraient une menace sur notre flanc gauche. C'est ainsi que chaque trouée dans la montagne marque un déploiement du Groupe.

Le 6 Avril, nous appuyons l'attaque du 23ème R.I.C. sur DURMERSHEIM le même jour dans la soirée, le groupe se déplace et va se déployer à SCHEIBENHARDT, rattaché au Groupement BAYARD. Pendant toute la journée du 7, nous allons écraser les villages nichés dans les vallées où s'accroche l'ennemi, VOLKERSBACH, BUZENBACH, REICHENBACH, LAUGENSTEINBACH. Le 8 et le 9 même chose. Le 9 à minuit ordre de se déployer à SPIELBERG, prêts à ouvrir le feu le lendemain à l'aube. Toute la journée du 10 nous harcelons les passages de la MURG (à GAG GENAU) où afflue l'ennemi en retraite. Dans la nuit nouvel ordre de mouvement et le jour se lève, le 11 Avril, sur le Groupe à VOLKERSBACH ; c'est encore sur la coupure de la MURG que tombent nos coups (KUPPENHEIM, OBERSDORF). Le 12 à l'aube nous sommes à WALDSPRECHTWEIER appuyant la progression de nos troupes sur BADEN-BADEN. Le 13, nous sommes à HAUENEBERSTEIN pour participer à l'opération sur BUHL où l'ennemi résiste opiniâtrement. Il bombarde sévèrement les abords de la ville. Notre sanitaire est criblée de balles sur la route par un avion ennemi, c'est miracle que ses occupants soient indemnes. Et notre marche s'accélère encore. Le 14 on nous pousse sur WEITENUNG, puis sur BALZHOFEN et le 15 nous sommes à WAGSHURST pour appuyer le 23ème R.I.C. dans son action sur OBERKIRCH et 
APPENWEIER. Mieux encore ! ce même jour nous sommes rattachés au Groupement blindé du Général C.... qui pousse en direction de DIDENHEIM alors que le 6ème R.I.C. fonce sur KEHL. Les esprits s'enflamment. Plus vite ! encore plus vite !

Le 16 au matin nous faisons derrière le C.C. 3 un bond de 25 kms. qui nous amènera dans la région de HOHNURST. Voici que vers midi un contre-ordre nous arrive, on a besoin de nous pour faire sauter le verrou d'OBERKIRCH, mais le Général C.... voudrait bien nous garder. Il faut tâcher de satisfaire tout le monde et tandis que la 10ème Batterie est laissée à la disposition des blindés, le reste du Groupe monte prendre position à ZUSENHOFFEN à 3 kms. d'OBERKIRCH tenu par les Allemands qui barrent ainsi la vallée de la MURG.

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14
Il ne faut pas longtemps pour s'apercevoir que le coin est malsain. Entre ZUSENOFFEN et OBERKIRCH, c'est un billard. Nous sommes dans la plaine et l'ennemi dispose de magnifiques observatoires sur les contreforts avancés de la FORET NOIRE. Il a des pièces de 88 sous casemate et il s'en sert. Les batteries traversent le terrain découvert voiture par voiture, et prennent position dans de légers plis du terrain derrière le village.L'ennemi est alerté et tire, mais il tire mal. Sur les positions les hommes mettent en batterie, tranquillement au milieu des explosions et portent un jugement de connaisseur sur le travail des confrères d'en face. Toutes les batteries sont harcelées sans autre dommage qu'une roue de canon crevée et quelques paquetages détruits. La tenue des hommes, de ces "Vieux soldats" dont beaucoup n'ont pas 6 mois de service est admirable. A 20 h. le groupe est en batterie prêt à tirer. Mais pendant que les servants mettaient en batterie, d'autres canonniers se sont transformés en fantassins. C'est qu'en effet le Groupe est aux avants-postes, il a pour toute protection deux pièces anti-chars, une sur chacun des chemins menant à OBERKIRCH. Nos mitrailleurs installent leurs pièces aux issues, des patrouilles sont commandées qui circuleront toute la nuit aux abords du village.

Le 17 Le Groupe appuie l'attaque d'OBERKIRCH qui est pris dans la journée, il balaie alors la route d'OBERKIRCH vers OPPENAU par où l'ennemi se replie.

Pendant ce temps la 10ème Batterie pour aider la progression des blindés sur BIBERACH a pilonné des blockhaus dans la région de REICHENBACH. Elle rejoint le Groupe vers 7 h. 00 Le même soir mouvement sur SCHUTTERZELL, c'est le verrou de LAHR-DINGLINGEN qu'il faut faire sauter. Le 18 au soir c'est chose faite. D'autres positions encore ! ORSCHWEIER le 19, WAGENSTADT le 21 d'où nous pilonnons EMMENDINGEN où s'allument de nombreux incendies. Le même jour dans l'après-midi nous sommes à MUNDINGEN d'où nous prenons FRIBOURG sous notre feu. Le 22 au matin nous voici à GUNDELFINGEN à 5 kms. au Nord de FRIBOURG. Cette fois-ci l'allemand se replie à toute allure, il a pris du champ. Dans la nuit du 23 au 24 le Groupe va faire un bond de 60 kms. qui le mènera à quelques kilomètres de la frontière SUISSE, à WINTERSEILER pour appuyer l'action sur LORRACH.

LE 25 LORRACH EST A NOUS — LE PISTON EST A BOUT DE COURSE.



Les Opérations de nettoyage

« LA FIN »

À partir de cette date, il ne s'agit plus d'opérations de guerre. L'ennemi est partout désorganisé, le 26 à 9 h. le Groupe fait mouvement sur STEINEN en vue d'appuyer éventuellement les opérations de nettoyage du III/23ème R.I.C. et du III/6ème R.I.C. A STEINEN, le Lieutenant-Colonel chargé de la défense de la ville est fait prisonnier. La 10ème Batterie est poussée sur EICHEN. Le 27 nous sommes à SCHOPFHEIM. Nous ne tirons plus. Les tâches de Gouvernement Militaire prennent une importance de plus en plus grande. Une grande opération de police faite à SCHOPFHEIM conduit à l'arrestation de douze personnalités suspectes.

Le 26 le Groupe arrive à LAUFENBOURG au bord du RHIN. Les Unités de la 9ème D.I.C. qui dans leur progression ont éclaté dans toutes les directions sont regroupées provisoirement le 1er Mai dans la région de STOCKACH. Le Groupe cantonne à MÜHLINGEN. Chacun sent que la fin est imminente. Le 8 Mai, la nouvelle éclate. La Guerre est gagnée, l'Allemagne a capitulé.

L'Occupation commence ... de nouvelles tâches s'offrent à nous.

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15
Ordre de Bataille des Officiers du Groupe
 
le 15 Septembre 1944

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ETAT-MAJOR
          Chef d'Escadron
          Chef d'Escadron
          Capitaine
          Capitaine
          Lieutenant
          Lieutenant
          S.-Lieutenant
          S.-Lieutenant
          S.-Lieutenant
MARCEL
DELACOU
SARRAUTE
GAILLARD
KLEPPER
ROUBY
MORDRET
DEMORE
MERCIER
     
Cdt. le Groupe
Cdt. Adjoint
Capitaine Adjoint Cdt. la Batterie 
Officier de liaison
Officier des Transmissions
Officier orienteur
Officier observateur
P.C.T.
Observateur en Avion.
10ème BATTERIE
11ème BATTERIE
      Capitaine
      Lieutenant
      S.-Lt.
      S.-Lt.
GUITEL
LEPINE
ENSMINGER
SARDINA
Cdt. de Batterie
Lt. de tir
Lt. observateur
Chef de Section
Lieutenant
Lieutenant
S.-Lieutenant
Aspirant
MICHAELI
MONET
LATAPY
DUPERRAY
Cdt. de Batterie
Lt. de tir
Observateur
Chef de Section
12ème BATTERIE
C.R.
      Capitaine
      Lieutenant
      Aspirant
      Aspirant
      Aspirant
    
TOUZET
LE CONIAC
DUMORTIER
EXPERTON
PERRIER
     
Cdt. de Batterie
Lt. de tir
Chef de Section
Observateur
Chef de Section
     
Médecin Cne.
Lieutenant
Lieutenant
Lieutenant
Lieutenant
S.-Lieutenant
     
PLUMAUZILLE
BATAILLE
MENETRIER
MORLEC
FLEITZ
BELLOLI
          
     
Cdt. la C.R.
Officier Mécanicien
Echelon de combat
Officier des détails
Officier d'approvt.
             
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16
Ordre de Bataille des Officiers du Groupe
 
le 15 Janvier 1945

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ETAT-MAJOR
          Chef d'Escadron
          Capitaine
          Capitaine
          Capitaine
          Lieutenant
          S.-Lieutenant
          S.-Lieutenant
          Aspirant
DELACOU
SARRAUTE
GAILLARD
ROUBY
LEPINE
MORDRET
MERCIER
LAMOTTE
Cdt. de Groupe
1er Adjoint
2e Adjoint - Cdt. la Batterie Etat-Major
Officier de Transmission
Orienteur
Observateur
Observateur en avion
P.C.T.
10ème BATTERIE
11ème BATTERIE
          Capitaine 
          Lieutenant 
          Aspirant 
GUITEL    
ENSMINGER 
BINART     
Cdt. de Batterie 
Lt. de tir      
Chef de Section  
Capitaine 
Lieutenant 
S.-Lieutenant 
MICHAELI     
MONET       
LATAPY   
Cdt. de Batterie
Lt. de tir
Observateur
12ème BATTERIE                                                                          C.R.
                                                                  
12ème BATTERIE                                                                          C.R.
                                                                  
          CapitaineTOUZETCdt. de Batterie           Médecin Cne.PLUMAUZILLE
          LieutenantLE CONIACLt. de tir           CapitaineBATAILLECdt. la C.R.
          S.-Lt.DEMOREChef de section           CapitaineMENETRIEROfficier Mécanicien
          AspirantEXPERTONObservateur           LieutenantMORLECEchelon de combat
           LieutenantFLEITZOfficier des détails
           S.-LieutenantBELLOLIOfficier d'approvisionnement.
      
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17




Le Groupe à la peine



                                                              Tués                                       Blessés
                                                              Tués                                       Blessés
                 Officiers
                1                                    
  1                                            
                 Sous-Officiers
3                                             
                 Brigadiers et Canonniers
               13
25                                             
                                      Totaux
                  14
29                                             

         Le Groupe a fait pendant la campagne d'Allemagne :

                                                              238 prisonniers dont
                                                                 2 Lt. Colonels 
                                                                 4 Capitaines 
                                                                 4 Lieutenants.





Le Groupe à l'honneur


          Au cours des campagnes relatées dans cet historique, 114 citations individuelles ont été obtenues par des militaires du Groupe.






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Nombre et tonnage des coups tirés
par le Groupe

                            Campagnes          Nombre de coups tirés     Tonnage
          Tunisie
3.119               
160 T.      
          Ile d'Elbe
310               
13 T.      
          Doubs
12.364               
532 T.      
          Haute Alsace
8.880               
357 T.      
          Bataille des Cités
8.523               
366 T.      
          Garde au Rhin
1.416               
61 T.      
          Franchissement du Rhin
664               
29 T.      
          Pays de Bade
3.750               
161 T.      
                               Totaux
39.026               
1.679 T.      

              


 
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QUELQUES ANECDOTES




















La retraite du 17 février 1943 vécue par 

« la 4ème Batterie du R.A.C.M. »




Le 16 Février, dans le secteur du FONDOUCK, la journée avait été calme. Mais cette partie du front en pointe vers KAIROUAN se trouva brusquement menacée par la percée allemande sur KASSERINE.

La batterie comprenait alors trois pièces de 155 court porté : 1 pièce nomade à l'Ouest du Massif de GRIDJINA et une section trois kilomètres au Sud vers le Djebel TOUIL. Les échelons se trouvaient à 25 kms. des positions près de HADJEB El AIOUN.

Vers 21 h. la batterie reçoit ordre de tenir prête à faire mouvement sur le KEF EL AHMAR. C'était environ 50 kms. à parcourir par une nuit sans lune sur une piste difficile.

Dans cette retraite précipitée, il revenait à chacun de faire son devoir pour éviter qu'elle ne tourne au désastre.

Immédiatement le Capitaine fait venir du bivouac les voitures en état de marche. Il confie le déplacement de la pièce nomade et de la Section à ses deux Officiers. Lui-même garde la section de Commandement tandis que l'Aspirant se charge du moins glorieux, mais peut-être du plus difficile, de l'échelon.

Chacun prépare le chargement de ses voitures, décide de ce qu'il faut abandonner.

A 23 h. l'ordre de départ est donné, le téléphone coupé : la batterie est scindée en quatre tronçons.

Le 17 à 1 h. 15, la pièce nomade démarre. Le canon est tracté et non porté, car le camion doit emmener vingt-deux hommes, leurs paquetages, du matériel téléphonique, les fusées et les étoupilles. Encore faut-il abandonner obus et gargousses.

Dans une nuit sinistre, éclairée au départ par une auto qui brûle, sans carte, nous prenons la route de HADJEB EL AIOUN puis la piste du KEF EL AHMAR.

Dés le début de cette piste, c'est un embouteillage formidable. Les mulets des tirailleurs se mêlent aux autos. Celles-ci se doublent, se gênent. Beaucoup tombent en panne.

Tout à coup nous sommes arrêtés par quatre files de voitures. A quelques centaines de mètres de là se trouve un gué difficile. Beaucoup de véhicules s'enlisent. Dans la nuit noire, ignorant la cause de cet arrêt, des chauffeurs essaient de doubler.

Cependant grâce à cet incident la section rejoint la pièce nomade. Nous saurons plus tard que loin derrière nous se trouve le Capitaine avec la Section de Commandement et l'échelon.

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23
Après une demi-heure passée à s'impatienter et voyant que la situation ne s'améliore pas, le Lieutenant de tir entreprend avec ses Sous-Officiers de régulariser le mouvement. Peu à peu, les voitures s'écoulent. Il faut bien de temps en temps envoyer un camion puissant tirer ou pousser un autre véhicule, mais comme toujours en FRANCE, tout finit par s'arranger.

Quand le reste de la batterie arrivera là, il n'y aura plus d'embouteillage, la colonne s'écoulera, lentement sans doute, mais cependant sans ralentissement exagéré.

Quelques kilomètres plus loin un autre gué un peu moins difficile ne nous retarde que peu car le premier s'est chargé de créer des créneaux dans la colonne.

Enfin le jour se lève. Nous sommes alors dans une région sablonneuse où nos camions s'enlisent les uns après les autres. Les hommes descendent, poussent. Peine perdue. Il faut dégager les roues à la pelle, reculer un peu, placer les panneaux en rotin, la voiture repart et vingt mètres, trente mètres plus loin, il faut recommencer et ainsi une dizaine de fois.

Puis à l'approche du KEF EL AHMAR la colonne est à nouveau arrêtée. Les voitures sont à quelques centimètres les unes des autres pendant plusieurs kilomètres. Si on essaie de ménager une plus grande distance, d'autres véhicules croyant à une panne viennent s'intercaler.

Juste avant le col, c'est le dernier passage difficile. Mais là attend une dépanneuse américaine et dès qu'un camion s'arrête la chaîne est accrochée.

Lorsque nous arrivons le col est déjà miné prêt à sauter. Nos tirailleurs se déploient sur les crêtes, il y a quelques batteries françaises et de la D.C.A. Alliée.

Pour nous la mauvaise nuit est finie. Un peu plus tard passeront le Capitaine, l'échelon.

Cette retraite aura coûté à la batterie neuf disparus : Le S-Officier auto, six chauffeurs ou dépanneurs, deux sénégalais (deux d'entre eux d'ailleurs réussiront à s'évader).

En effet il restait à l'échelon un important matériel auto que le mécanicien voulut essayer de sauver. C'est ainsi qu'il fût surpris au petit jour par les Allemands.

Matériellement, nous perdions deux voitures légères, un camion et une camionnette, tout ceci de réquisition et dont les moteurs n'avaient pas résisté à deux mois de campagne.


Saint Maurice Echelotte

Un petit village niché dans un trou au bord du DOUBS, occupé par les Allemands ; un bataillon du 6ème R.T.S. doit s'en emparer. L'opération est prévue pour le 23 Septembre au matin. Le 22 en fin d'après-midi l'Officier de liaison va mettre en place les tirs prévus au plan de feux. L'observatoire est à la lisière d'un petit bois à 800 mètres du village dont le sépare un léger vallonnement. De cette même lisière, demain à 9 heures, nos marsouins partiront à l'attaque. Le 23, à l'aube, Les Officiers de liaison du Groupe et du R.A.C.M. se rencontrent au même endroit. Ils doivent déclencher les concentrations prévues quand l'ordre en sera donné ; si les lignes venaient à être coupées, il resterait la radio. Le bois, désert la veille, fourmille de monde. Les fantassins se sont mis en place avant le lever du jour, ils sont là dans leur trou, silencieux, tapis, ils attendent. Les Artilleurs surveillent leur montre, le combiné à la main : « attention FEU » il est 8 h. 30, 1/2 minute plus tard les premiers coups arrivent devant nous, en place ! On est content ! A 9 h. nos fantassins s'ébranlent, l'Officier de liaison va rejoindre le Colonel à son observatoire prêt à actionner à nouveau le Groupe si besoin est, mais non ! l'opération se déroule favorablement. Nos premiers éléments pénètrent dans le village A 11 h. le village est pris. Mais le boche est resté aux abords immédiats et contre-attaque à plusieurs

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24
reprises dans la journée sans que nos 155 courts puissent intervenir dans les corps à corps qui s'ensuivent. L'ennemi est finalement rejeté. Dans la nuit l'ennemi harcèle le village avec son artillerie.

Le 24 au matin, un dimanche, le Groupe a repris sa mission d'action d'ensemble à l'exception d'une batterie mise directement à la disposition du Chef de Bataillon qui occupe Saint-MAURICE-ECHELOTTE. L'Officier de liaison se rend au P.C. du Bataillon. Le P.C. ? un trou en lisière d'un bosquet sur une petite croupe immédiatement à l'Ouest du village, « Mon Commandant c'est la liaison du Groupe de 155 courts, vous n'avez pas d'objectifs intéressants ? » « Tenez ! ce bois en face ! ils canardent nos hommes de là, allez-y ». A 200 mètres de là, il y a une petite éminence d'où on a d'excellentes vues, un bout de fil est tiré jusqu'à la Jeep qui est restée dans le chemin en contre-bas. La radio fonctionne à merveille. « BATTERIE PRÊTE », « FEU », Le premier coup, l'observateur l'attend avec un petit serrement de cœur ! c'est si près de l'Infanterie ! est-ce qu'il ne s'est pas trompé ? est-ce qu'aux pièces il n'y a pas eu d'erreurs ? mais non, le coup est tombé tout près du bois. On peut passer au tir d'efficacité et on s'en donne à cœur joie. Les Sénégalais qui sont là autour de l'Artilleur trépignent à chaque gerbe soulevée par nos coups, l'ennemi les a assez assaisonnés, à son tour maintenant. Un grand diable de Bambara veut absolument dans son enthousiasme donner à l'Artilleur un paquet de cigarettes. Et pendant un quart d'heure nos coups fouillent le bois, devant pour les indiscrets qui nous surveillent, derrière pour ceux qui s'y reposent se croyant à l'abri.

« HALTE AU FEU » retour auprès du Chef de Bataillon « Mon Commandant, çà va ? » Un large sourire, le Commandant tend un papier. C'est un message du Commandant de la Compagnie qui est la plus proche du bois suspect. « Le bois est infesté d'ennemis, menace de contre-attaque ». Et c'est envoyé à l'heure du déclenchement du tir, Un coup de veine ! ... les Boches n'ont pas contre-attaqué.

Vermondans


Vers la mi-Octobre, le 21ème R.I.C. est en ligne devant VERMONDANS. Ce village au pied du Lomont, enfoui dans les GRANDS BOIS, est tenu par les Allemands qui barrent ainsi la route qui longe le Lomont au Nord. Nos premiers éléments à deux cents mètres à peine des premières maisons observent les mouvements de l'ennemi depuis de longs jours. Ils connaissent maintenant ses cantonnements, ses habitudes. On va jouer un bon tour aux Boches. Leur P.C. se trouve dans une importante villa pompeusement baptisée le « Château » dont les combles servent d'observatoires. Les hommes cantonnent à la colonie de vacances, la maison forestière abrite les mitrailleurs dont les pièces en batterie au flanc d'une falaise prennent sous leur feu les lisières que nous occupons.

Le Colonel Commandant le 21ème R.I.C. demande nos 155 pour écraser ces différents repaires d'Allemands. Et le 18 Octobre à 15 h. le tir commence, il est réglé d'un observatoire latéral situé à quatre cents mètres des objectifs. Nos fantassins de première ligne qui se trouvent sous les trajectoires ont été repliés par mesure de sécurité. Les munitions ont été soigneusement loties, le réglage est rapide, et très vite, il y a de nombreux coups au but. Quatre coups entrent par les soupiraux du château. Tout à coup deux allemands, puis trois, quatre, cinq sortent du P.C. comme des diables d'une boite, et détalent dans toutes les directions. L'incident nous amuse. A 17 h. 45 le tir est terminé ; l'état du château, de la colonie de vacances et de la maison forestière laisse fortement à désirer. L'ennemi devra chercher d'autres cantonnements, ses guetteurs installés dans les greniers du château ne gêneront plus nos fantassins et les servants des mitrailleuses devront dresser leur tente dans le bois.
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Un mot historique


Le 4 Décembre à LANDSER. Le Canonnier G.... vient d'être sérieusement blessé par de multiples éclats d'obus. Pendant qu'on le panse un éclat qui n'avait que faiblement pénétré dans les chairs tombe ; au Médecin qui le lui tend G.... répond, furieux ! « J'en veux pas ! je veux rien garder des boches ! » Ne méritait-il pas d'être rapporté ce mot qui à 200 ans de distance renouvelle spontanément celui de LOUIS XV à FONTENOY : « Renvoyez-le à ces gens là. Je ne veux rien garder d'eux. » dit le ROI devant un boulet ennemi qui était venu mourir à ses pieds.

Du ROI de FRANCE à l'obscur Canonnier, le même esprit : l'Esprit Français.


Le puits Théodore


Le 3 Février, l'équipe d'observation installée précairement au Puits Eugène depuis la veille, reçoit l'ordre par radio de pousser jusqu'au Puits Théodore. Les renseignements sont les suivants. Puits Théodore nettoyé. Cité Ste. Barbe peu sûre. Il est 10 h. La route qui conduit à la Cité Ste. Barbe est copieusement arrosée par des nebelwerfers à 6 tubes. Heureusement le sol est détrempé et beaucoup de projectiles s'enfoncent avant d'exploser.

Devant la Jeep de l'observation il y a des voitures blindées dont les mitrailleuses de 12.7 sont rassurantes — au moins on est à l'abri d'un coup de main ennemi.

La cité paraît morne — il faut aller jusqu'au Puits. Elle paraît morne mais à l'intérieur se livrent encore les traites combats de rues ponctués par les rafales de mitraillettes. La lutte est acharnée — notre route est jalonnée de cadavres Français et Allemands.

La lutte est encore plus rude au Puits. Les mitrailleuses des half-tracks arrosent avec persistance les fenêtres des bâtiments de l'usine. Les fantassins font des signes — la Jeep a juste le temps de se garer sous un auvent pour ne pas devenir une cible facile pour les tireurs allemands. Hélas dans ce dédale de rues les pertes sont du côté de l'assaillant ; chaque coup de feu porte, les blessés sont nombreux.

L'ascension dans le puits est impossible — les fantassins disent que le nettoyage en sera dur et pas terminé avant 14 h. Il n'est pas question d'installer la bino. Hélas le poste 610 est trop faible pour rendre compte au P.C.T. qui attend un accrochage. L'équipe d'observation rejoint le P.C. en disant — « nous reviendrons ».


Hombourg... 14 Février


9 Février ... MULHOUSE est définitivement libérée. La dure bataille des cités, le franchissement de l'ILL à ENSISHEIM, la poursuite vers CHALAMPE, ont eu raison en vingt jours de combats acharnés, de toute résistance ennemie.

Le Groupe redescendu vers le Sud face au RHIN de BATTENHEIM va s'installer le 12 Février à HABSHEIM, cette fameuse Ile NAPOLEON que le boche ne réussit jamais à reprendre pendant près de 3 mois d'efforts. A RIXHEIM le groupe boucle le magnifique circuit de HAUTE ALSACE : ils sont bien vengés ceux qui tombèrent glorieusement les 2 et 3 Décembre.

D'HABSHEIM nous allons monter la garde au RHIN. Des pièces nomades vont prendre à partie chaque fois une série de villages et de voies de communication ennemies.
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Elles occuperont des positions au plus près du RHIN en bordure de la HARDT. Toute la région est dominée par la FORET NOIRE. Qu'importe, on en a vu d'autres !

Seuls quelques clochers permettent de régler, HOMBOURG est de ceux là.

Pour bien marquer la Victoire d'ALSACE, tous les Groupes semblent s'être concertés pour venger les ruines de chez nous !

Le 13 Février un immense rideau de fumée se déploie sur tout l'horizon.... 

Des villages brûlent partout....

Le 14, on va remettre çà ... Commandants de batteries et observateurs se retrouvent dans le clocher de HOMBOURG ... et chacun commence ses accrochages. Brusquement un obus de 150 éclate avec fracas, écornant notre clocher ... quelques plâtras ... quelques éclats ... la cloche résonne. Un deuxième coup tombe au pied de l'Eglise. « Ah les Salauds ».... Evidemment quelque auto-moteur se ballade sur les collines d'en face, la preuve est faite qu'on a fait la veille du bon travail ... Le coin est malsain ... Les ordres de tirs partent implacables et brefs. Comme à la manœuvre ... tandis que le tir ennemi encadre joliment notre observatoire ... Les réglages sont terminés, les pièces n'ont plus qu'à débiter le programme des représailles. Impossible de repérer la pièce qui s'acharne sur nous...

Mission accomplie nous nous replions un par un ... Le mur de l'Eglise est costaud ... Le maître autel nous servira de pare-éclats « Ce serait quand même c ... qu'un obus vienne choisir cette entrée » ... dit quelqu'un en désignant un vitrail ... et quelques secondes après le vitrail vole en éclats ... tandis que le radio impassible annonce « B. 40 rend compte 1er TIR en cours d'exécution » et qu'un plaisantin lâche un M.... retentissant. On évoque aussitôt la scène de VILLAGE NEUF où le 30 Novembre à la tombée de la nuit nous étions également pris à partie par mitrailleuses lourdes, canons de 25 et de 88... les cloches aussi avaient résonné ... Deux téléphonistes sont partis réparer la ligne coupée. Ils reviennent un peu émus « Ligne réparée R.A.S. » et pourtant un obus est tombé à quelques mètres d'eux. Il n'a pas éclaté ; ça ne compte pas sans doute... « quel pot tout de même » dit l'un d'eux.

Vingt coups tombés, mais nos braves servants là-bas en lisière de la HARDT en ont débité trois fois plus ...

Braves Servants ! ... Nous apprendrons une heure plus tard que les deux pièces nomades ont été, à tour de rôle, prises à partie et gentiment encadrées par une quinzaine de coups ... Mais dans le même temps, d'autres villages brûlent chez l'ennemi ... La radio annonce : « B. 20 TIR N° 4 terminé » B. 40 TIR N° 6 terminé . .. Le Fritz ne nous... et nos pièces exécutent les tirs suivants ... on arrosera çà ce soir !
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Première de couverture.

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